Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle connaît ce crépuscule qui étrangle les Heiaha ! dans la gorge. Elle sait que lorsque le filet du soir a été jeté, il ne faut ensuite rien moins que le clair de lune d’Artémis-Vigie pour nettoyer par l’inondation toute cette ambulance. Elle va, elle va ! Elle arrive à la colline...

— Ô crépuscule, tu ne me touches pas, tu ne me toucheras jamais ! la volupté positive ne saurait filtrer dans le ciboire de mon être ! — Mais qu’est-ce qui a chuchoté là ?…

Ah ! et hélas ! trois fois hélas ! ce qui chuchote là, c’est une traîtresse de rivière, derrière ces roseaux, vague et profonde et qui défend le pied de la colline. C’est de l’eau vague dans le soir...

Syrinx écarte les roseaux et voit la rivière, large et silencieusement mortuaire ! et Pan arrive ! L’homme est là, ivre de nuit !

Il est là ; Syrinx se retourne et lève vers lui la main ! Il s’arrête à distance.

Qu’elle est belle dans le soir ainsi ! Que croire ?…

— Voulez-vous m’oublier ?

— Oh ! pardon, pardon ! Vous voyez que je n’y suis pour rien. Mais vous oublier ! Je vous aime, vous êtes mon but, je suis moi, et le soir tombe ! Laissez, je me charge de tout vous expliquer. Oh ! qu’est-ce qui vous dégoûte donc en moi ? Oh ! foyer contre foyer ! Quoi, ne respires-tu pas cette nuit d’été par tous tes organes libres ? Ô nuit d’été, maladie inconnue, que tu nous fais mal ! Je ne sens plus que nous, moi ! Ô riche nuit d’été, je me rappelle, maintenant, les enivrants récits que me faisait Bacchus de sa conquête de