Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/176

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Hoyotoho ! ne m’approchez pas ! Heiaha ! Heiaha ! Au secours !… Enfant, comment ne vois-tu pas que la volupté c’est le désir, que le bonheur c’est passer et faire envie aux couples altérés de bonheur ?

— Eh bien, soit, je mourrai ; moi qui vous aurais si bien soignée ! Ma folie est divine, certes ! mais pas autant que le prix de votre volonté. Pardon, pardon, je mourrai en douceur. Je rendrai l’âme dans mon élémentaire et primitif galoubet de deux sous en chantant l’exil dont votre vision m’honora.

— Vous voyez bien, vous-même ; il n’y a que l’art ; l’art c’est le désir perpétué…

Ah ! pour le coup, elle a dit cela d’un ton si équivoquement charitable, que Pan n’hésite plus, ne saurait plus hésiter ! Tête baissée, les bras ouverts, il s’avance résolument sur elle ! Elle, faible femme justement seule digne de ce nom et traquée et prise ainsi dans l’indifférence des beaux soirs !

Dans un suprême éclat d’inhumanité, de toute l’immortelle virginité de ses yeux en face, Syrinx retient encore Pan une seconde, elle clame un dernier Hoyotoho ! et alors se jette dans le léger rideau des roseaux et se laisse aller dans les eaux !

Et le génial amoureux qui a bondi, n’étreint entre ses bras sincères que le panache des roseaux tout sec ! Il les écarte, et regarde, et voit la belle enfant sauvée qu’ont reçue, si blanche en leurs bras blancs, les naïades silencieuses qui l’entraînent en lignes silencieuses !

Ces ébats d’une minute ont ridé à peine les moires cré-