Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ô frisselis alisé, baisers d’ailes, paraphes de rumeurs, éventails pulvérisant en chœur un jet d’eau au fond des parcs d’Armide, mouchoirs de fées froissés, le silence qui rêve tout haut, éponge passée sur toute poésie !…

Et cela chuchote miséricordieusement : « Vite, vite, ami, c’est son âme qui passe en ces roseaux que tu tiens ! »

Pan comprime à deux mains son cœur plus divin que jamais ; il essuie une larme, jette son antique pipeau dans le tombeau de la rivière et, par une inspiration universelle, sans hésiter, sans se gratter l’oreille ni tirer sa barbiche pointue, il donne l’accolade à ces roseaux enchantés puis en coupe trois tiges dont il fait sept tuyaux de longueurs décroissantes qu’il creuse, vide de leur moelle, perce de trous et lie ensemble avec deux joncs.

Et c’est bel et bien une flûte et des plus nouvelles !

Pan y promène ses lèvres desséchées d’espoir de baisers et, ce qu’il tire de cette flûte, c’est une miraculeuse gamme d’ère nouvelle disant naïvement son bonheur de flûte, son bonheur de venir au monde par cette belle soirée de l’Âge Pastoral !...

Pan, riant à travers ses larmes, tourne et retourne, entre ses gros doigts de Caliban, la flûte nouvelle, la flûte à sept tuyaux, la divine Syrinx.

— Oh ! merci, merci ! Sept tuyaux !

Mais il fait déjà noir, le bouquet de lys d’eau en face s’est effacé.

Pan s’assied dans les roseaux, prélude et reprélude et presse ce joujou sur son cœur, et l’effleure de ses grosses lèvres. Puis il se recueille.