Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/180

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gémir jusqu’à nouvel ordre. Oh ! que cette journée a passé ! Ô Syrinx, t’ai-je rêvée ? — Je me la rappelle minute à minute, et mot à mot, et sa façon de regarder, et le degré d’inclinaison de son cou et le son de sa voix, et cependant je ne l’ai pas vue et ne l’ai pas entendue ! Et c’est encore une fois que je n’aurai pas eu la présence d’esprit de me pénétrer du fait de la présence des choses ! J’aurais pu la dévisager pour toujours et l’écouter pour jamais et prendre sa formule sur le vif ! Au lieu de cela, j’ai pensé, à quoi ? à tout ! Et c’est passé. Oh ! que je suis donc incurablement en Tout. Que je suis insouciant ! Oh ! qui jettera un pont entre mon cœur et le présent ! Si elle m’avait laissé une mèche de ses cheveux que je pourrais me tenir sur les lèvres jusqu’à l’évidence.

Il reprend sa flûte à sept tuyaux, sa flûte talisman, âme de Syrinx sur ses lèvres. Et, comme dans un si beau soir de l’Âge Pastoral, il est permis de se répéter, c’est encore Stabat, Stabat autour d’une citerne où se mire Diane-la-Lune.

Il lève les yeux ; la Lune, la voilà ! Glorieuse et palpable, rondement aveuglante, qui monte à l’horizon mélancolique et pur au-dessus d’une ligne noire de collines.

Pan bouscule son Stabat et se met à fulminer une imprécation contre Diane :

« Hoyotoho ! là-haut ! Ô Lune, égide de glace, couleur de camphre !

« Ô Diane, ta divinité me laisse froid : je n’ai rien à voir dans tes vices de conformation.

« Et pourquoi vas-tu vêtue d’un sexe ? Quelle honte de conserver ces inutiles organes d’impureté ! Ou bien, quelle