Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/206

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leusement miroir, rétrécissant de plus en plus ses orbes vers Andromède, comme pour donner à cette petite vierge le temps de l’admirer et de le désirer. Singulier spectacle, en vérité !...

Cette fois il a passé si près, lui souriant, qu’elle aurait pu le toucher !

Persée monte en amazone, croisant coquettement ses pieds aux sandales de byssus ; à l’arçon de sa selle pend un miroir ; il est imberbe, sa bouche rose et souriante peut être qualifiée de grenade ouverte, le creux de sa poitrine est laqué d’une rose, ses bras sont tatoués d’un cœur percé d’une flèche, il a un lys peint sur le gras des mollets, il porte un monocle d’émeraude, nombre de bagues et de bracelets ; de son baudrier doré pend une petite épée à poignée de nacre.

Persée est coiffé du casque de Pluton qui rend invisible, il a les ailes et les talonnières de Mercure et le divin bouclier de Minerve, à sa ceinture ballotte la tête de la Gorgone Méduse dont la seule vue changea en montagne le géant Atlas, comme on sait, et son hippogriffe est le Pégase que montait Bellerophon quand il tua la Chimère. Ce jeune héros a l’air fameusement sûr de son affaire.

Ce jeune héros arrête son hippogriffe devant Andromède et, sans cesser de sourire de sa bouche de grenade ouverte, il se met à exécuter des moulinets de son épée adamantine.

Andromède ne bouge pas, prête à pleurer d’incertitude, semblant n’attendre plus que le son de voix de ce personnage pour s’abandonner au sort.

Le Monstre se tient coi à l’écart.