Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/66

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on a vue, sur une saine et drue pelouse verte de Lawn-tennis, où toute une jeunesse en vérité moderne, musclée, douchée et responsable de l’Histoire, donne cours à ses animal spirits, les bras nus, le torse altier et responsable devant des Jeunes Filles instruites et libres qui vont, boitant élégamment avec leurs chaussures plates, tenant tête au grand air et à l’Homme (au lieu de cultiver leur âme immortelle et de songer à la mort, ce qui, avec la maladie, est l’état naturel des chrétiens).

Au delà de cette verte pelouse de jeunesse en vérité moderne, c’est les premières collines, et la chapelle grecque aux coupoles dorées, avec ses caveaux où l’on relègue tout ce qui meurt de la famille des princes Stourdza.

Et plus bas, la villa X..., où boude, peu lettrée d’ailleurs, une reine catholique déchue, chez qui l’on s’inscrit de moins en moins, et qui croit toujours achalander, comme autrefois, la localité, de sa présence.

Et puis des collines, des sites de chromo, retouchés de donjons romantiques et de cottages à croquer.

Et sur cette folle petite ville et son cercle de collines, le ciel infini dont on fait son deuil, ces éphémères féminines ne sortant jamais, en effet, sans mettre une frivole ombrelle entre elles et Dieu.

Le comité des fêtes va bien : nuits vénitiennes, enlèvements d’aérostats (l’aéronaute s’appelle toujours Karl Securius), carrousels d’enfants, séance de spiritisme et d’anti-spiritisme ; toujours au son de ce brave orchestre local que rien au monde n’empêcherait d’aller chaque matin aux Sources,