Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’opinion publique (vox populi, vox Dei) donna cette fois encore la palme à l’hôtel d’Angleterre.

Et, de fait, outre l’arrangement classique, sur le tapis à tringles de cuivre couvrant les marches du perron, des quatre tableaux de sainteté avec jardinières de table-d’hôtes et candélabres toutes bougies allumées au soleil de juin, voilà que ce repaire de fils d’Albion exhibait, au haut de la dernière marche, dans un fouillis d’éventails de palmiers, une sainte Thérèse (la patronne de l’endroit) dont l’hystérique rococo polychrome tirait malsainement l’œil. Tandis que l’hôtel de France n’avait su que renchérir sur ses orgies de rieurs de l’année d’avant.

Il est vrai que, au troisième angle de la grand’place, l’hôtel de la duchesse H… interposait, pour la sauvegarde du bon ton et l’édification des masses, la sérénité supérieure d’un reposoir à lui : trois bonheur-du-jour supportant, parmi des pivoines, des plumes de paon et des bougies roses, entre une Sainte-Famille de Tiepolo et une Madeleine attribuée à Lucas Cranach, le blason de la noble dame, brodé sur écu de peluche amarante.

N’importe, il n’y eut qu’une voix pour proclamer la victoire de l’Angleterre. Mais victoire brutale, victoire de clinquant et de paganisme impressionniste, victoire qui sera payée cher, plus tard, dans un monde meilleur.

Tandis que le reposoir de l’hôtel de France, sans vouloir discuter l’à-propos de ses charmantes corbeilles de lys (qui ne filent pas), allait être le théâtre d’une seconde édition plus esthétique du Miracle des Roses !