Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Oh, sur l’Océan-ciboire, Eucharistie à meurtrissures, Eucharistie mal cautérisée !

Et, à l’horizon, les flots jusque-là enchantés d’accalmies, exécutant vers elle un va-et-vient berceur, ostensiblement berceur, comme la suppliant de se laisser un peu choir, ce soir, pour voir, qu’on la dorloterait si nuitamment !…

Cependant les carillons sont à bout.

Et la foule, alors, d’ululer (tous, hommes, femmes, enfants, vieillards en chœur de soprani grêles) le Stabat de Palestrina, mais infiniment expurgé !

Et, à ce signal suraigu, la lanterne-volière du Phare de la Déesse de lâcher les mouettes consacrées !

Ah ! elles s’envolèrent, en piaulements sauvages, tels des oiseaux-phalènes, vers la Grand’Lune, et tournoyèrent à Son Égard ; et, après ces dévotions préalables, vaquèrent à leur petite pêche des beaux soirs.

On s’est assis, albement, ivre de ces préludes.

Quel silence !…

Le Grand-Prêtre aîné de Séléné s’est levé ; il accomplit les trois offertoires d’encensoir à l’égard de la Pleine-Lune, dans le silence polaire ; puis dit :

« Mes sœurs, comme ces soirs vont décidément à votre « beauté !

« Voici que nous vient sur les infranchissables lagunes de la mer, l’Immaculée-Conception (la seule) ! Je vous salue, Vierge des nuits, plaine de glace, que votre nom soit béni entre toutes les femmes, vous qui satinez leurs seins de distinction et y faites sourdre les laits nécessaires. »