Page:Laforgue - Moralités légendaires.djvu/92

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Les Vestales se lèvent, et, sauf le dernier rang des plus jeunes, encore consacrées au silence, répètent l’invocation, — et toutes alors (en trois temps, mais non sans une certaine lenteur de coquetterie bien excusable) rejettent leur cachemire pâle, défont leur guimpe de lin, et exhibent à l’Astre bienfaisant leurs jeunes poitrines, — oh ! comme autant d’hosties, comme autant d’aspirantes lunes ; — les novices grelottant un peu à sentir durcir leurs amandes sous la caresse du rayon sacré venu de si loin à travers les infranchissables lagunes de la mer.

Or, une d’entre elles, isolée au premier rang, est restée étrangère à cette charmante manifestation, baissant même la tête sur son corsage condamné.

Rassuré, le Grand-Prêtre, qui la surveillait, reprend :

« Amandes des seins, sceaux des maternités, tétez les effluves de l’Eucharistie qui se lève sur la mer, et vient faire sa tournée dans nos dortoirs. Car vous êtes encore ses vierges, dignes d’entretenir ses Mystères, de receler ses philtres et ses formules incantatoires, dignes de bénir les brioches des noces. Noël ! Noël donc ! au Phare Virginal, à la vigie des Pôles, au Labarum des Sociétés modernes ! »

Il se rassied.

Le vicaire de Diane-Artémis se dresse, doriquement drapé, pâle comme la statue du Commandeur des Croyants.

« Elsa ! Elsa ! Elsa ! » claironne-t-il par trois fois de son organe de parfait sectaire.

La Vestale isolée au premier rang, la petite femme aux