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Page:Lagerlöf - La Légende de Gösta Berling, trad. Bellessort 1915.djvu/196

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chemin poussaient des marguerites, des mille-fleurs, des campanules, et, quand le bœuf soufflait, les jeunes filles descendaient et cueillaient des bouquets, et bientôt des couronnes diaprées parèrent la tête du patron Julius et les cornes du grand bœuf.

Un peu plus loin, on passa à travers un taillis de clairs bouleaux et de jeunes aulnes. Les jeunes filles coupèrent des arbustes, arrachèrent des branches, et le chariot fut transformé en tonnelle ambulante.

La mélancolie du patron Julius se dissipait à mesure que le jour avançait. Il partagea ses provisions avec les jeunes filles et leur chanta ses airs. Quand ils atteignirent le sommet du Dunderklœtt et que le vaste paysage se déroula à leurs pieds, le cœur du patron Julius battit violemment, et il entonna l’hymne du Vermland.

Ô Vermland, pays magnifique, pays charmant !

Et l’amour du Vermland rendit ses lèvres éloquentes.

— Ah, Vermland, Vermland ! dit-il. Que de fois je t’ai regardé sur les cartes, mais de cette heure seulement je comprends ta figure. Tu es un vieil ermite qui rêve, les jambes croisées et les mains sur les genoux. Ton bonnet pointu descend sur tes yeux mi-clos. Tu portes un manteau de forêts bordé du ruban bleu des eaux et des collines. Tu es si simple que l’étranger ne voit pas même combien tu es beau. Tu es pauvre comme les saints hommes du désert, — pauvre, grave et doux. Immobile, tu laisses les ondes du Vœnern baigner tes pieds. À gauche, ton cœur bat dans tes mines et tes champs de minerais, et, au nord, ta tête est pleine du mystère des grands bois. Et nous, tes enfants, ô grave pays, nous ne demandons à la vie que des rires, des festins, des danses et des roses !

Les jeunes filles l’écoutaient avec étonnement.

Quand le soir commença de tomber et qu’on remonta dans le char, elles ne remarquèrent point où les menait le