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Page:Lagerlöf - La Légende de Gösta Berling, trad. Bellessort 1915.djvu/197

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de gösta berling

patron Julius et elles ne s’en aperçurent que lorsqu’on s’arrêta devant le perron d’Ekebu.

— Maintenant, vous allez entrer, dit-il, et nous ferons un petit tour de polska.

Les Cavaliers voyaient revenir le patron Julius, une couronne fanée autour de la tête et le char bondé de jeunes filles.

— Nous avions bien deviné, s’écrièrent-ils, que les jeunes filles l’avaient entraîné ! Sans cela, il nous serait revenu quelques heures plus tôt.

Car les Cavaliers se rappellent que c’est la dix-septième fois que le patron Julius a voulu quitter Ekebu, — une fois chaque année. Mais le patron Julius a déjà oublié sa dernière tentative comme toutes les autres. Sa conscience s’est endormie pour un an.

Ce n’était pas un homme ordinaire que ce patron Julius, léger à la danse, malgré son embonpoint, et vif à la table de jeu. Le pinceau, la plume et l’archet étaient également familiers à sa main. Il avait un cœur facilement ému ; de belles paroles lui montaient aux lèvres et les chansons gazouillaient dans sa gorge. Mais qu’eussent été tous ces avantages, je vous prie, s’il n’avait eu une conscience, une étrange conscience, pareille à ces libellules qui se dégagent des profondeurs sombres et prennent des ailes et vivent quelques heures, mais quelques heures seulement, à la douce lumière du soleil ?