Page:Lagrange - Œuvres (1867) vol. 1.djvu/207

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suis capable les oscillations des cordes tendues, je les ai toujours trouvées simples et uniques dans toute leur étendue, d’où il me paraît impossible de concevoir comment divers tons peuvent être engendrés à la fois. Il serait pour cela inutile de recourir aux théories dont on a fait mention (63), puisque nous en avons déjà fait sentir le défaut. Je suis donc enclin à croire que ces sons peuvent être produits par d’autres corps qui résonnent au bruit du son principal, comme on vient de le voir dans les cordes ; et ce qui peut donner quelque poids à cette conjecture, c’est que ce mélange de sons harmonieux n’est guère sensible que dans les clavecins ou dans les autres instruments montés de plusieurs cordes.

Quoi qu’il en soit, je désirerais que des personnes dont l’oreille fût extrêmement fine, et qui ne l’eussent pas beaucoup exercée à entendre de la musique, voulussent bien prendre la peine de répéter ces expériences sur une seule corde fixée par deux chevalets sur une simple table, dans des lieux ouverts de toute part ; dans ce cas, on pourrait être sûr que ni la prévention de l’oreille accoutumée à entendre toujours les sons principaux accompagnés de leurs harmoniques, ni la résonnance des corps circonvoisins ne pourraient y avoir aucune part, et le résultat de l’expérience deviendrait hors de toute atteinte.

M. Rameau, un des plus célèbres artistes de nos jours, et à qui l’art musical est si redevable, a donné en 1750 une démonstration du principe de l’harmonie, fondée sur les expériences rapportées de la résonnance des corps sonores. Cet Auteur croit avoir ainsi découvert dans la nature même les vrais fondements de l’harmonie, qu’on avait avant lui inutilement cherchés par d’autres voies ; mais après tout ce que nous venons de démontrer, on voit évidemment que ce principe même tire son origine de celui de la concurrence des vibrations, principe dès longtemps reconnu pour la source des consonnances et des dissonances, et sur lequel M. Euler a établi sa nouvelle théorie de musique dans le Traité cité (52). Ce célèbre Géomètre a donné en effet à ce principe toute l’étendue dont il paraît capable, et il a tâché par là de ramener à des formules assez simples les principales règles de la composition. On ne doit donc plus regarder le principe de M. Rameau que comme une nouvelle