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Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/114

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c’est-à dire, soyez Hurons ; aimés les comme vous mêmes, & ne les vendés pas. Car je connois certains Maris parmi vous qui consentent aussi lâchement au libertinage de leurs Epouses, que des Méres à la prostitution de leurs Filles. Ces gens-là ne le font que parce que la nécessité les y oblige. Sur ce pied-là c’est un grand bonheur pour les Hurons de n’être pas réduits à faire les bassesses, que la misére inspire aux gens qui ne sont pas accoutumés d’être miserables. Nous ne sommes jamais ni riches, ni pauvres ; & c’est en cela que notre bonheur est au dessus de toutes vos richesses. Car nous ne sommes pas obligez de vendre nos Femmes & nos Filles, pour vivre aux dépens de leurs travaux amoureux. Vous dites qu’elles sont sottes. Il est vray, nous en convenons ; Car elles ne sçavent pas écrire des billets à leurs Amis, comme les vôtres ; & quand cela seroit, l’esprit des Hurones n’est pas assez pénétrant pour choisir à la phisionomie des Vieilles assez fidéles pour porter ces létres galantes sous un silence éternel. Ha ! maudite Ecriture ! pernicieuse invention des Européans, qui tremblent à la veue des propres chiméres qu’ils se représentent eux mêmes par l’arrangement de vint & trois petites figures, plus propres à troubler le repos des hommes qu’à l’entretenir. Les Hurons sont aussi des sots, s’il vous en faut croire, parce qu’ils n’ont point d’égard à la perte du pucelage des filles qu’ils epousent ; & qu’ils prénent en mariage des Femmes que leurs Camarades ont abandonées.