Page:Laisant - L’Éducation de demain.djvu/20

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la force et du succès, l’adoration de la laideur morale, on prépare des bacheliers au lieu de former des hommes, et on jette dans la vie de pauvres êtres ahuris, désemparés, qui ne comprennent rien au monde moderne et sont appelés à devenir demain nos dirigeants. Ce sont des monstres ; mais on ne saurait le leur reprocher ; c’est l’éducation qui les a fait tels.

Dans un système raisonnable d’éducation, au contraire, l’enseignement serait intégral, c’est-à-dire porterait sur l’ensemble des connaissances humaines vraiment utiles, et irait en s’élevant sans cesse, pour se spécialiser ensuite dans telle ou telle direction, suivant les aptitudes diverses des élèves, et les conduire, au besoin, jusqu’aux portes de l’enseignement supérieur.

Il n’est pas possible que la stupidité du régime actuel n’en amène pas la disparition, et peut-être plus vite qu’on ne l’imagine. Bien des symptômes permettent de l’espérer, parmi lesquels on doit noter ce qu’on a appelé la crise de l’enseignement secondaire.

Et dans l’inévitable transformation qui se produira, on trouvera au premier rang, parmi les démolisseurs, les professeurs de l’enseignement secondaire eux-mêmes.

Il est en effet très remarquable et très étonnant que l’horrible enseignement actuel soit donné par un corps de professeurs instruits, éclairés, consciencieux, désireux de bien faire, et dont beaucoup ont le dégoût du métier qu’on leur impose. Que demain l’enseignement intégral populaire soit institué, et il n’y aura pas à se mettre l’esprit à la torture pour trouver le personnel enseignant. Il est là, tout prêt ; et c’est avec joie qu’il fera demain sa bonne tâche, au lieu du métier répugnant auquel on le condamne aujourd’hui.

Les mêmes professeurs, chargés de déformer les cerveaux, seront heureux de les éclairer et de les libérer, en se libérant eux-mêmes.