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Page:Laisant - L’Éducation de demain.djvu/25

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supérieur ; ou mieux, nous allons lui fournir le moyen de se le procurer lui-même. Le jour étant absorbé par le travail, c’est le soir qu’on réservera aux leçons ; les auditeurs ne pouvant aller chercher la manne intellectuelle, c’est chez eux, dans leur quartier, qu’on viendra la porter.

J’ai un peu travaillé, comme beaucoup d’autres, à créer des universités populaires ; j’ai essayé d’y apporter un mince concours en disposant des soirées qui pouvaient me rester libres ; et c’est de mes yeux qu’il m’a été donné de pouvoir constater ainsi de bien singuliers résultats. Je vais m’efforcer de résumer le plus brièvement possible les impossibilités générales qui s’opposent au fonctionnement qu’on avait rêvé.

D’abord, du côté des auditeurs, excès de fatigue après une journée de travail intensif ; il faut de l’héroïsme, je l’ai déjà dit, pour aller écouter des leçons dans des conditions pareilles, et les héros sont rares ; j’en ai vu, qui dormaient consciencieusement, et n’étaient pas venus là dans l’intention de dormir.

Du côté des conférenciers, loisirs irréguliers, entrecoupés ; donc pas de cours, pas de leçons suivies ; conférences sur des sujets disparates, et ne pouvant guère contribuer à la formation de l’esprit.

Du côté des fondateurs, fréquemment, une énorme majorité de petits bourgeois, d’employés, de gens très bien intentionnés, mais sans aucune connexion avec la classe laborieuse. On a ainsi des Universités Populaires sans peuple. Dans l’une de celles-là, un soir, je trouvai trois auditeurs ; le secrétaire m’avait écrit la veille pour me rappeler ma promesse ; il était absent. La conférence, à nous quatre, fut pleine de cordialité. Et comme je déplorais cette décadence : « Nous marchons au contraire très bien, me fut-il répondu ; il y a 200 à 250 inscrits ; seulement chacun verse sa cotisation, en se disant que l’instruction est nécessaire pour le peuple, mais que personnellement, lui, le souscripteur, n’en a aucun besoin. »

Et toutes les conférences se passaient à peu près dans les mêmes conditions.

Enfin, toutes les difficultés signalées vinssent-elles à