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Page:Laisant - L’Éducation de demain.djvu/9

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qu’appartient l’enseignement primaire. Or, la plupart des lycées ont institué des classes primaires recevant de tout jeunes enfants. D’autre part, sur tous les points où l’enseignement primaire a pris un développement considérable, on a été conduit, sous le nom d’enseignement primaire supérieur, à instituer des établissements qui en fait distribuent une instruction secondaire, avec un peu moins de langues mortes en général.

Cette invasion réciproque des deux enseignements suffit à montrer combien la division est fausse, combien mensongères sont les apparences.

La vérité, c’est que les établissements d’enseignement secondaire sont réservés aux enfants de la bourgeoisie, les écoles primaires aux enfants du peuple.

C’est une coupure sociale, et pas autre chose.

Il faudrait être aveugle pour se refuser à la voir. Et cela s’explique par ce fait que les divers gouvernements qui ont sévi sur notre pays depuis la Révolution n’ont été que des syndicats d’intérêts bourgeois, ayant pour but d’assurer la prédominance de la classe dirigeante, sa puissance d’exploitation, la conservation de ses privilèges. Il importait donc de réserver aux petits bourgeois le monopole d’un enseignement d’ordre plus élevé, en laissant aux petits prolétaires la connaissance rudimentaire du français et de quelques règles d’arithmétique, bien suffisante à de futurs exploités.

Le calcul s’est trouvé déjoué, cependant, comme le sont souvent les calculs inspirés par la peur. Logiquement, il eût fallu refuser au peuple jusqu’à l’enseignement de l’alphabet. Et, à l’heure actuelle, la possibilité de lire et d’écrire, donnée à tous les prolétaires des jeunes générations, est le plus terrible des germes de révolution sociale. Il est même arrivé une chose assez curieuse ; c’est qu’en dépit de tous les efforts administratifs et gouvernementaux, l’enseignement soi-disant privilégié est tombé dans un état de marasme et de décrépitude dont donne bien l’idée la citation de M. Téry, que nous produisions plus haut. Lycée et école primaire sont deux abrutissoirs ; mais le premier est d’un effet beaucoup plus puissant que la seconde, parce que l’élève de l’école primaire conserve encore le contact