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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/167

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souvenirs

— Volontiers, répondit Georgeon, qui se proposait bien, cette fois, de se récupérer d’une partie de ses pertes.

Au moment de la moisson, saint Martin dit à son associé :

— Je te donne encore le choix ; que préfères-tu ? le dessus ou le dessous, les racines ou les tiges ?

— Oh ! pour le coup, à moi les racines ! s’écria le Diable, d’un air triomphant et capable.

Saint Martin coupe et enlève aussitôt ses gerbes ; puis le Vilain se met en devoir d’arracher son chaume.

Il ne lui fallut pas longtemps, comme on peut le penser, pour s’apercevoir de sa nouvelle déconvenue.

Exaspéré, il court, la rage dans le cœur et l’écume il la bouche, au moulin de saint Martin, accable le digne homme d’un flot d’invectives, et termine son algarade par le provoquer au combat.

— Va pour le combat ! répliqua tranquillement saint Martin, mais à l’instant même, et dans cette chambre.

— À l’instant même et dans cette chambre, reprit approbativement Georgeon, en grinçant des dents d’impatience.

— Comme nous sommes tous les deux vilains, et toi surtout, observa malicieusement saint Martin, tu sais qu’il nous est interdit de vider notre querelle autrement qu’avec le bâton ; eh bien, voici justement, dans ce coin, une perche de chêne et un gourdin de néflier qui feront notre affaire, et, quoique tu ne le mérites guère, je veux être généreux jusqu’au bout : choisis ton arme…

Ces mots étaient à peine lâchés, que Georgeon saute sur la branche de chêne et charge son adversaire avec furie ; mais, à chaque coup qu’il veut porter, le haut bout de la perche s’embarrasse dans les poutres et les solives de l’appartement, et il ne peut parvenir à atteindre son but, tandis que saint Martin, qui s’est saisi du lourd bâton, le manœuvre à sa fantaisie, se rapproche habilement de Georgeon, et frappe à bras raccourci.