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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/168

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du vieux temps

La lutte devenait impossible.

— Grâce ! grâce ! cria bientôt Georgeon.

— Grâce, soit ! répondit saint Martin, en continuant la bastonnade ; mais tu quitteras à l’instant la paroisse, et l’on ne t’y reverra plus.

— Je quitterai la paroisse ! jamais on ne m’y reverra !… Mais arrête donc !… arrête !

— J’ai fini, dit saint Martin, en lui allongeant un dernier et vigoureux coup d’estoc ; va-t’en, maudit, et que je ne te rencontre plus !

Le Diable ne se le fit pas redire ; il sauta par la fenêtre, et disparut sous la saulaie qui ombrageait les abords du moulin.

Or, on ajoute que ce fut pour reconnaître ce signalé service que les habitants de la paroisse de Lacs placèrent, précisément à cette époque, leur jolie petite église sous le patronage du bienheureux saint Martin.

À propos de la profonde ignorance de Georgeon en agriculture, nous ferons remarquer qu’il éprouva, ailleurs qu’en Berry, des désappointements semblables à ceux que nous avons rapportés plus haut, car voici ce qu’on lit dans un poëme oriental. — Des Arabes étaient après labourer un champ, lorsque le Diable survint et leur dit : — « Vous savez que la moitié du monde est à moi, ainsi la moitié de votre moisson m’appartiendra. » — Les Arabes répondirent au Diable : — « Que ta volonté soit faite ! Dès lors, nous t’abandonnerons, si tu le veux bien, toute la partie de la récolte qui sera dans la terre. — Non, non, reprit le Diable, j’entends avoir tout ce qui se trouvera à la surface du sol. » — En conséquence, les Arabes semèrent des navets dont le Diable n’eut que les feuilles. — L’année d’après, encore au moment des labours, le Diable, furieux de sa méprise, apparut de nouveau aux Arabes et leur déclara que, cette fois, il se réservait toute la partie de la récolte enfouie