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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/171

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souvenirs

Nous ne saurions mieux faire que d’emprunter la relation du second miracle de saint Martin aux Pieuses légendes du Berry, très-intéressant recueil publié en 1864 par M. Just Veillat[1].

« Un jour que saint Martin, accompagné de son ami saint Brice, se rendait encore à Levroux, où il ne manquait jamais de faire, chaque année, son pèlerinage à Saint-Souain[2], il s’arrêta pour dire la messe à Argy ; mais les grenouilles des fossés voisins se mirent à coasser d’une façon si indiscrète et si persistante, qu’il fut forcé de s’interrompre et de leur dépêcher son fidèle saint Brice pour leur commander de se taire, injonction à laquelle elles se rendirent aussitôt[3]. — L’office terminé, les pieux pèlerins s’acheminèrent vers Levroux, au petit pas de leurs ânes ; mais se rappelant bientôt qu’il avait quitté Argy sans rendre la voix aux grenouilles, l’évêque dit à son compagnon d’attacher sa monture et d’aller ensuite relever les pauvres chanteuses de leur dure pénitence, tandis qu’il prendrait un peu de repos dont il avait grand besoin ; puis il mit pied à terre, s’étendit sur l’herbe et s’endormit.

  1. Châteauroux, Ve Migné, imprimeur-éditeur.
  2. « Saint-Souain, Sevain ou Sovein, ancienne variante du nom de Saint-Silvain, bien connue des habitants du pays. » (Just Veillat.) — Il y a une grande affinité entre Saint-Martin et Saint-Silvain. L’une des deux églises de Thevet, bourg situé non loin de celui de Lacs, était aussi sous l’invocation de saint Martin. On y voyait la statue de saint Silvain, qui est resté le patron de l’endroit et dont on célèbre la fête le 15 septembre.
  3. A Arge, com j’oï conter,
    Volt une feiz Martins chanter.
    Si oït raines qui chanteient
    Et joste l’église crieient
    En fossez, qui ilec esteient,
    Où si grant noise li faseient
    Qu’il ne poeit a riens entendre.
    Lors lor manda, sanz plus atendre,
    Par saint Briz, que se teussent.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    Ces vers sont, ainsi que les suivants, extraits de la Vie de Monseigneur saint Martin de Tours, par Péan Gatineau, poëte du treizième siècle, publiée d’après un manuscrit de la Bibliothèque impériale par M. J.-J. Bourassé, chanoine de l’église métropolitaine de Tours. — Tours, Mame, 1860.