Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

145
du vieux temps

peut-être, non dans l’espoir de mieux rencontrer, mais afin de parcourir les figures baroques qui couvraient les pages de quelques-uns de ces bouquins, et qui piquaient sa curiosité sans la satisfaire, il tomba sur un petit volume écrit à la main et dans la langue qui lui était familière. Quel ne fut pas son étonnement lorsqu’il lut en tête d’un chapitre les mots suivants : — Comment on peut voir et faire des choses surnaturelles… ; et plus loin : — Comment on parvient à faire de l’or.Par quel moyen on peut ouvrir les portes les mieux fermées.Comment on peut se changer en toutes sortes de bêtes, etc., etc.

Malgré le rapide essor qu’avait pris son imagination, à l’annonce de toutes ces merveilles, un titre, entre tous, frappa pour le moment son esprit et captiva toute son attention ; ce fut celui-ci : Comment on peut connaître ce qui se passe à une grande distance.

Ces paroles lui rappelant tout à coup sa famille, il voulut, en se conformant aux prescriptions du petit livre, savoir à l’instant même ce qu’elle devenait, et il le sut :

Il vit son pauvre père creusant tristement un sabot, tandis que sa bonne mère tricotait en pleurant dans un coin… Chose incroyable ! il put lire dans leur pensée aussi clairement que dans la sienne, et se convaincre qu’ils étaient tous les deux désolés de son absence.

— Chers amis, s’écria-t-il, en essuyant une larme, nous nous réunirons bientôt !

Alors l’idée lui vint de s’enquérir de son maître, d’apprendre enfin qui il était, où il se trouvait en cet instant, ce qu’il faisait. — Mais ce désir était à peine formé, que Jean le Chanceux, l’œil fixe et les traits bouleversés, jeta un grand cri et perdit entièrement connaissance. Lorsqu’il revint à lui, tout son corps tremblait comme la feuille, et aussitôt qu’il put proférer une parole, il s’écria d’une voix étranglée : — « Le Diable ! le Diable !… Je suis chez le Diable !!… »