Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

144
souvenirs

côtés, protégée par une espèce de rempart à pic qui ne permettait d’y entrer ou d’en sortir que par une porte aussi solide au moins que la muraille et qui, pour le moment, se trouvait très-soigneusement fermée.

— Ce n’est pas là du tout mon compte, ne put s’empêcher de se dire Jean le Chanceux ; je voulais être libre et je suis en prison. C’est égal, j’attendrai les effets de la générosité de ce monsieur, car c’est là l’important pour mon vieux père, pour ma bonne mère.

Tout en faisant ces réflexions, il se dirigea vers l’office, où il découvrit d’abondantes provisions, auxquelles son appétit de seize ans fit honneur.

Les journées suivantes se passèrent absolument comme la première : toujours la même solitude, le même silence, les mêmes loisirs ou, pour mieux dire, le même ennui.

Enfin, au bout d’un mois, l’homme noir reparut. — Il inspecta soigneusement son cheval, qui lui sembla en aussi bon point que le comportait son grand âge ; examina minutieusement ses livres, et fut satisfait de les voir bien rangés et nets de toute poussière.

— C’est très-bien, dit le petit homme, en frappant amicalement sur l’épaule de Jean le Chanceux ; continue ainsi et tu n’auras pas à t’en repentir. Tiens, prends cela, non comme avance sur ton loyer, mais comme témoignage de ma satisfaction. Et il lui mit dans la main une pistole toute neuve.

Le lendemain, l’homme noir avait déjà quitté le château, Il continua d’y faire ainsi, de loin en loin, quelques courtes apparitions, et, à chacune d’elles, Jean recevait des éloges sur son service et une nouvelle gratification.

Cependant, le pauvre jeune homme se mourait d’ennui. Il avait bien cherché à se distraire en feuilletant les livres de la bibliothèque ; mais tous ceux qu’il avait ouverts étaient écrits en caractères bizarres auxquels il ne pouvait rien comprendre. Un jour qu’il y revenait pour la centième fois