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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/182

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du vieux temps

vous m’aviez promis de m’accorder un congé sur l’année, et comme, en cet instant, je n’ai point de cheval à soigner…

— Encore une fois, cela n’est pas possible, interrompit vivement Georgeon. Et un éclair infernal jaillit de sa prunelle.

— Ah ! c’est ainsi que tu tiens ta parole, se dit Jean, lorsque son maître eut disparu ; eh bien, tu ne me retiendras pas plus longtemps prisonnier ; et il se décida, sur-le-champ même, à quitter le vieux manoir. Mais il voulut auparavant en sonder tous les secrets, tous les mystères. Il se mit donc à le parcourir du haut en bas, ouvrant, partout sur son passage, les portes qu’un art diabolique avait cru rendre à jamais inviolables. Il lui suffisait pour cela de prononcer certains mots consacrés, consignés dans le petit livre. — Quant au résultat de cette exploration, jamais il n’en parla ; on sut seulement, plus tard, qu’il avait découvert d’immenses richesses accumulées dans les caves du château ; trésor intarissable, où sans doute venait puiser le Diable, toutes les fois que, dans ses tournées, il trouvait une âme à acheter ; on sut de plus qu’en cette circonstance, Jean ne se fit ni faute, ni scrupule de bien garnir ses poches.

Cependant le jour touchait à son déclin ; c’était le moment que le fils du sabotier avait choisi pour sortir de sa prison. Après avoir examiné du haut de la muraille de la cour, les abords extérieurs de la porte, il l’ouvrit et gagna précipitamment le couvert de la forêt. Mais bientôt, craignant d’être rencontré par son maître, il jugea prudent d’avoir recours au plus strict incognito, et, à cette fin, il revêtit, en un clin d’œil, l’apparence d’un jeune et magnifique poulain. Puis, prenant le sentier qu’il avait déjà parcouru pour venir au manoir, il s’abandonna à un galop si impétueux qu’il arriva près de la demeure de sa famille beaucoup plus tôt qu’il ne s’y attendait, et avant d’avoir eu le temps de reprendre sa forme naturelle.