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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/183

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souvenirs

Son père qui, selon son habitude, prenait ce soir-là le frais, debout sur le seuil de la chaumière, fut on ne peut plus surpris de voir ce bel animal déboucher de la forêt et s’arrêter, haletant et couvert de sueur, devant sa porte.

— Ne vous effrayez pas, dit étourdiment le poulain, je suis votre fils.

À ces mots, sortant d’une pareille bouche, le vieux sabotier fut pris d’un tel saisissement qu’il tomba à la renverse. Jean, se hâtant de se transformer, releva son père et le porta dans la cabane. Là, grâce aux soins que lui prodiguèrent et sa femme et son fils, le vieillard eut bientôt repris ses sens. Alors, tout s’expliqua par le récit que leur fit Jean de toutes ses aventures.

— Vous le voyez, cher père, dit-il en terminant, vous m’aviez envoyé au Diable ; j’y ai été, mais j’en suis revenu, et je voudrais bien n’y plus retourner. À cet effet, il est nécessaire que je redevienne encore une fois poulain et que vous me conduisiez demain à la foire de la Berthenoux pour m’y vendre. Ne vous inquiétez pas du reste, et que ma mère prépare, pour demain soir, et pour nous trois, un bon souper ; voilà de quoi y pourvoir. Et, ce disant, il versait sur les genoux de sa mère le contenu d’une bourse pleine d’or. — Jamais ces pauvres-gens n’avaient vu tant de richesses réunies ; ils ne pouvaient en croire leurs yeux, et leur joie égalait au moins leur étonnement.

— Ah ! ce n’est pas à tort que je t’ai nommé Jean le Chanceux ! s’écria gaiement le vieillard.

— Vous en verrez bien d’autres, dit son fils.

Là-dessus, la famille fut se coucher.

Le lendemain, le vieux sabotier s’éveilla de bonne heure et appela Jean à plusieurs reprises, sans recevoir de réponse.

— Serait-ce un rêve ? se dit-il tristement en se jetant à bas de sa couche.

Mais il eut à peine ouvert la fenêtre qu’il aperçut le beau