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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/188

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du vieux temps

Presque aussitôt, elle cessa d’apercevoir les deux oiseaux, et sentit dans ses vêtements quelque chose qui la gênait.

Or, ce qui l’incommodait ainsi, c’était d’abord Jean le Chanceux qui, voyant l’épervier fondre sur lui, avait jugé à propos de se changer en diamant et de se laisser choir dans la gorgerette de la jeune fille ; c’était ensuite, le dirons-nous ?… le Diable lui-même qui, sous la forme d’un grain de blé, avait suivi de près Jean le Chanceux dans sa charmante retraite.

La princesse, qui était loin de se douter d’un aussi mauvais voisinage, se tient un moment à l’écart, saute à bas de sa haquenée, secoue sa robe et se débarrasse des deux objets qui tombent et se perdent dans le gazon ; puis elle se remet en selle et rejoint la chasse.

À l’instant même, Jean le Chanceux, plus que jamais sur ses gardes, se change en coq, saute sur le grain de blé, l’avale, et chante par trois fois sa victoire d’une voix claire et retentissante.

Vingt minutes après, il soupait tranquillement avec son père et sa mère, ainsi qu’il le leur avait promis la veille, et leur racontait joyeusement la fin de son histoire.

Les uns disent que, grâce aux sommes assez rondes qu’il avait tirées du Diable, Jean le Chanceux devint le coq de son village, et que, tout en se faisant aimer d’un chacun, il passa, toute sa vie, pour avoir le Diable au corps. — D’autres prétendent qu’il fit main basse sur les trésors du vieux manoir de la forêt, et qu’étant devenu le plus grand seigneur de la contrée, il eut occasion de rendre au roi des services d’argent de la dernière importance. Ils ajoutent que, ne pouvant oublier les charmes de la princesse, après l’avoir approchée d’aussi près, il parvint à gagner ses bonnes grâces et enfin à l’épouser, au grand contentement de tout le monde.