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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/204

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souvenirs du vieux temps

de blanches colombes, sur les bras de la croix, et les démons, après les avoir poursuivies jusqu’au bord de l’enceinte circulaire, s’enfuient bientôt avec un redoublement de vacarme, épouvantés qu’ils sont à la vue du signe rédempteur.

C’est précisément ainsi que se passèrent les choses lors d’une aventure qui se raconte encore tous les jours dans quelques villages des environs de la Châtre, et dont un militaire fut le héros. Ce soldat, qui revenait de l’armée et qui voyageait la nuit pour regagner plus promptement ses foyers, ayant fait rencontre de la Chasse à Bôdet, se conforma de point en point aux prescriptions dont nous venons de parler, et l’on ajoute que l’âme qui était venue se réfugier et se percher sur la garde de son épée, dont il s’était servi en guise, de croix, le remercia, avant de s’envoler, de l’avoir délivrée des griffes de Satan, et lui annonça que, grâce à son bon office, elle allait se rendre directement en paradis, où, quand l’heure serait venue, il trouverait sa place à côté d’elle.

Le cercle qui, dans cette circonstance critique, sert à protéger le voyageur, joue un grand rôle dans les contes slaves[1]. Ce n’est autre chose que le fameux pentacle dans lequel se retranche le sorcier lorsqu’il évoque le Diable, et cette superstition rappelle les cercles magiques, nommés en sanscrit pradakchina, qui, chez les Hindous, servaient également à tenir les démons à distance : — « Le saint homme, dit le Ramayana[2], décrivit un pradakchina autour de son ermitage, et se dirigea vers le mont Himalaya. »

Dans certains cantons du Berry qui avoisinent le Bourbonnais, la Chasse à Bôdet semble d’une nature différente, et prend un autre nom ; elle s’appelle Chasse-maligne. — Un soir que tous les habitants d’une chaumière étaient réunis autour du foyer, on entendit tout à coup éclater dans les

  1. Voy. les Contes des paysans slaves de M. Chodzko, p. 111, 115 et 273
  2. T. I, p. 208. trad. Fauche.