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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/207

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souvenirs

embarquer et aller se faire juger par Samhan, au fond de l’île de Bretagne[1]. — « Les habitants de ces bords, dit le poëte Claudien, en parlant des Armoricains voisins de la mer, voient passer les fantômes livides des morts et entendent le bruit de leur vol et de leurs lamentations. »

C’était certainement encore du fond de l’Asie que les Gaulois avaient rapporté cette tradition. Selon le Padma-Purâna, l’un des livres sacrés des Hindous, le terrible Yama, le dieu du Naraka ou des enfers, a des messagers qui lui amènent les morts de toutes les contrées de l’univers. « Les méchants ont deux cent quatre-vingt-huit mille milles à faire, par les airs, avant d’arriver au palais d’Yama. Tous sont couverts de sang et de fange ; l’horreur est peinte sur leurs traits… Quelques-uns crient et se lamentent en passant ; d’autres pleurent…, etc., etc.[2] »

Notre Bôdet n’est autre que le dieu Wode ou Woden des Germains, qui, ainsi que l’Odin Scandinave, le Gwyon gaulois, le Thot égyptien, l’Hermès des Grecs et le Mercure des Latins, remplissait, dans la mythologie teutonique, le rôle de conducteur des âmes. Le nom même du Wode germanique se retrouve presque lettre pour lettre dans celui de notre Bôdet, car le changement de w en b est très-fréquent dans les idiomes gaéliques. Le Mulet-Odet de l’Orléanais, autre chef de chasse, est encore une dénomination approchante de la nôtre, et dans ces deux noms Odet et Bôdet, on retrouve la terminaison diminutive et familière que nous appliquons volontiers aux noms de plusieurs de nos saints et même à celui que nous donnons à l’Enfant Jésus[3].

On appelle, en Allemagne, la troupe d’esprits qui accompagne le chasseur nocturne, Woden Reer (l’armée d’Odin.) —

  1. Henri Martin, Histoire de France, t. I, p. 72 et 73.
  2. M. Daniélo ; traduit du Padma-Purâna, dans l’Histoire et tableau de l’univers, t. III, p. 455 et 459.
  3. Voy. p. 12 et au chap. iv du liv. V le 18e dicton.