Aller au contenu

Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

184
souvenirs

famille se revêtait de peaux de bêtes, et courait la campagne, pendant la nuit, poursuivie par tous les chiens de la contrée.

— Mais c’est là ce que l’on appelle courir le Loup-Brou, mon enfant, et c’est un affreux métier que vous faites là, toi et les tiens ! s’écria la châtelaine, après avoir entendu la jeune fermière jusqu’au bout.

— Oh ! cela ne fait tort à personne, allez, notre maîtresse, reprit tranquillement la jeune fille, et si vous désirez me voir avec ma peau, rien n’est plus facile, ce sera bientôt fait.

La baronne, poussée par la curiosité et retenue par la frayeur, hésitait à répondre, lorsque la paysanne, prenant. ce silence pour un consentement, ajouta :

— Si, quand je paraîtrai devant vous, vous veniez à avoir peur, vous n’aurez qu’à me frapper sur le nez avec le premier objet venu, et je reprendrai aussitôt ma forme ordinaire.

La jeune fille, à ces mots, grimpa dans le fenil d’une étable, et, un instant après, une louve, une vraie louve, horrible à voir, s’élançait par la lucarne du grenier et bondissait aux pieds de la châtelaine.

Celle-ci jeta un grand cri et tomba à la renverse !…

De longues heures s’écoulèrent avant qu’elle eût repris ses sens, et lorsqu’elle revint à elle, dans son appartement où on l’avait transportée, elle trouva son mari, seul, à ses côtés, et lui raconta tout ce qui s’était passé.

À quelque temps de là, par une sombre nuit de janvier, un homme, armé d’une carabine, et caché dans une épaisse touffe de houx, se tenait en embuscade près d’une grande croix qui s’élevait, non loin du château, à l’intersection de quatre chemins. Des aboiements, des hurlements épouvantables, auxquels se mêlaient des rires et des hourras de l’autre monde, résonnaient dans le lointain et semblaient rapidement s’approcher.