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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/229

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souvenirs

— Ce que tu as de mieux à faire, dit maître Lechat à son confrère, — et je te donne là un conseil d’ami, car il n’est pas dans l’intérêt de mes commettants, — c’est d’exhumer et produire au plus vite l’introuvable papier terrier.

— Telle est bien aussi mon intention, répliqua Goupil, et quand le vieux sire sera rentré dans ses droits et se sera un peu remplumé, c’est bien le diable si nous ne trouvons pas encore moyen d’en tirer pied ou aile.

Et deux nouveaux éclats de rire, terminés par un long hurlement, éveillèrent une seconde fois les échos de la forêt.

En cet instant, le seigneur de la Pouserie coucha en joue les deux malandrins, mais il réfléchit que les balles de son fusil n’étant point bénites, il n’avait aucun pouvoir sur eux.

— Il est temps de quitter le bois, dit alors maître Lechat.

— Partons, ajouta son camarade, nous nous reposerons à l’orée de la forêt, chez le cabaretier Pédard, où nous tuerons le ver[1] en attendant le jour.

Ce disant, les deux loups prirent leur élan et disparurent dans les halliers.

Quoique le baron n’eût rien tué, il ne trouva point qu’il eût fait mauvaise chasse.

Il descendit aussitôt du vieux chêne et se dirigea en toute hâte vers son château. Seulement, à la sortie du bois, il entr’ouvrit, en passant, la porte du cabaretier Pédard, et aperçut, au fond de la taverne, maître Goupil et son compère occupés, en tenue convenable cette fois, à sabler le vin blanc de Montgenoux.

— Messire de la Pouserie ! s’écria Goupil en se levant et se découvrant avec respect.

— Ne vous dérangez pas, maîtres, dit le baron, qui referma vivement la porte et continua sa route.

  1. Tuer le ver, c’est boire le vin blanc, le matin, à jeun.