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souvenirs du vieux temps

d’un pic-vert (picus martius), et lorsqu’on le verra s’arrêter près d’une herbe à laquelle il frottera son bec, on pourra se flatter d’avoir rencontré le précieux talisman. — Cette herbe incomparable, qui donne au pic-vert la force de percer jusqu’au cœur les chênes les plus durs, se trouve aussi quelquefois dans le nid même de l’oiseau.

On assure de plus que cette plante a pour caractère spécifique d’être, à toute heure de la journée, en toute saison, par les froids les plus vifs, comme par les chaleurs les plus intenses, couverte d’une abondante rosée.

Maintenant si, par impossible, dans l’une de vos promenades, — l’herbe du pic venait à frapper vos regards, gardez-vous bien de vous servir d’un instrument de fer pour la cueillir ou l’arracher, car, au contact de ce métal, elle perdrait toute sa vertu[1].

À ceux qui demanderaient comment il se fait que cette herbe merveilleuse ne soit connue que du seul oiseau dont elle porte le nom, il suffira, croyons-nous, de rappeler que Picus, roi d’Italie, fut changé en pic-vert par la belle Circé, dans un moment de dépit amoureux, et qu’alors il a fort bien pu arriver que cette habile enchanteresse, très-savante en botanique, comme toutes les magiciennes, lui ait fait connaître, au temps où elle était éprise de lui, et dans des vues manifestement intéressées, la plante qui nous occupe. — D’un autre côté, comme il est question, dans quelques anciens ouvrages, et entre autres, dans les notes dont Artus Thomas a accompagné la traduction de la Vie d’Apollonius de Tyane, par Blaise de Vigenère, d’une herbe merveilleuse que cet annotateur appelle l’herbe de Mars et qui a la propriété de briser les fers des prisonniers, d’ouvrir toutes espèce de serrures, etc., etc., on peut encore supposer que le dieu Mars aura indiqué cette plante à l’oiseau qui lui était consacré.

  1. Voy., sur l’emploi du fer dans certaines opérations, la p. 62.