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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/290

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souvenirs du vieux temps

fracas, maîtriser instantanément l’incendie le plus intense. — Toutefois, nous devons remarquer qu’il est de saintes personnes qui ne risquent rien du tout à barrer le feu. L’événement suivant le prouve de reste : — Une nuit, tout un quartier de Rome était en flammes ; le pape, saint Léon IV, se met à la fenêtre, étend la main et l’incendie s’arrête. C’est ce fait merveilleux qui a inspiré à Raphaël son admirable fresque de l’Incendie del Borgo, que tout le monde peut voir au Vatican, et dont il existe une belle copie dans l’une des grandes salles du Louvre.

Les Scandinaves savaient aussi barrer le feu en employant des paroles secrètes. L’un des personnages des Poëmes d’Odin, dans les Eddas, s’exprime ainsi : « Je sais un chant au moyen duquel, si je vois une haute salle brûler au-dessus des habitants de la maison, je la sauverai, en arrêtant l’incendie ; je sais-ce chant magique[1]. »

On a conservé l’habitude, dans nos campagnes, de sonner les cloches toutes les fois qu’il fait de l’orage, afin que leurs voix bénies, comme on dit aussi en Bretagne, préservent la paroisse du feu du temps et de la grêle, et l’on est persuadé que certaines cloches ont plus de vertu que d’autres pour conjurer ces désastreux fléaux. C’était aussi le sentiment de maistre Janotus de Bragmardo ; rappelez-vous la harangue qu’il adressa à Gargantua pour recouvrer les cloches de Notre-Dame[2].

Par suite de ces croyances, les trois cloches de Saint-Pierre, Saint-Laurian et Saint-Clair, que fit fondre, en juin et juillet 1731, le chapitre de Saint-Laurian, à Vatan (Indre), portent chacune l’une des inscriptions suivantes :

Mitte procul nobis hostiles, Petre, procellas.
Nostras, alme pater, Lauriane, segetes a grandine serva.
Arce, Clare, potens ignitor, fulminis ictus.

  1. Les Eddas, traduction de Mlle du Puget, p. 180.
  2. Rabelais, Gargantuas liv. Ier, ch. xix