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Page:Laisnel de La Salle - Croyances et légendes du centre de la France, Tome 1.djvu/330

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souvenirs du vieux temps

Nos villages abondent en médecins qui, tous, n’ont pris leurs degrés que dans la tradition de famille. Leur savoir-faire a tout à la fois pour objet la santé de l’homme et celle du bétail ; mais de même que, dans l’ancienne Égypte, chaque médecin se consacrait au traitement d’une maladie particulière, de même chacun de nos esculapes a sa spécialité et s’y renferme strictement ; de manière que la jalousie de métier leur est inconnue.

L’un panse du varin (venin) ; l’autre panse des endarces (dartres) ; un troisième du résipère (érysipèle) ; celui-ci de l’enchappe ; celui-là du javart, de la vertaupe, du caterre, etc., etc. — Panser, dans toutes ces expressions, a la valeur de guérir, traiter.

Nos médecins peuvent se diviser en trois classes. L’une qui fait usage, dans sa médication, des moyens ordinaires, c’est-à-dire de drogues plus ou moins efficaces ; l’autre qui panse du secret, ce qui consiste à n’employer dans le traitement des maladies que des paroles magiques et secrètes accompagnées de certains signes ; enfin la troisième classe qui pratique l’une et l’autre de ces deux méthodes.

Les secrets, ou les paroles secrètes, sont de deux natures bien différentes. Par les uns, le panseux opère au nom de Dieu ou d’un saint ; par les autres, il agit au nom de Georgeon ou de l’un de ses suppôts. Dans les deux cas, le secret contraint la puissance surnaturelle invoquée, quelle qu’elle soit, à intervenir. Or, si c’est l’assistance de Dieu que le panseux requiert, il commet un grand péché, parce que, disent nos paysans, agir ainsi, c’est commander à Dieu. — Il va sans dire que celui qui se sert du pouvoir du Diable pour panser du secret a déjà perdu son âme.

Cette vertu effrayante du secret, qui, ainsi que celle de la messe du Saint-Esprit, met à la disposition du premier sorcier, du premier vaurien venu, le pouvoir des-bons et des mauvais esprits, n’était pas inconnue des anciens. Ils don-