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du vieux temps

Une croix, tant grossière soit-elle, figurée, à bonne intention, avec de la craie bénite, sur la porte de la bouverie, suffit pour tenir à distance ce malintentionné.

On assure qu’au moment où le prêtre élève l’hostie, pendant la messe de minuit, toutes les aumailles de la paroisse s’agenouillent et prient devant leurs crèches. On assure encore qu’après cette oraison toute mentale, s’il existe dans une étable. deux bœufs qui soient frères, il leur arrive infailliblement de prendre la parole. — Chez les Islandais, c’est pendant la nuit qui précède le jour de l’an ou celui de la Saint-Jean (solstices) que les aumailles conversent entre elles.

En Berry, comme ailleurs, on raconte qu’un boiron[1] qui, dans ce moment solennel, se trouvait couché près de ses bœufs, entendit le dialogue suivant :

— Que ferons-nous demain ? demanda tout à coup le plus jeune du troupeau.

— Nous porterons notre maître en terre, répondit d’une voix lugubre un vieux bœuf à la robe noire, et tu ne ferais pas mal, François, continua l’honnête animal en arrêtant ses grands yeux sur le boiron qui ne dormait pas, et tu ne ferais pas mal d’aller l’en prévenir, afin qu’il s’occupe des affaires de son salut.

Le boiron, moins surpris d’entendre parler ses bêtes qu’effrayé du sens de leurs paroles, quitte l’étable en toute hâte et se rend auprès du chef de la ferme pour lui faire part de la prédiction.

Celui-ci, assez mauvais chrétien, se trouvait alors attablé avec trois ou quatre francs garnements de son voisinage, et, sous prétexte de faire le réveillon, — repas joyeux, mais

  1. On appelle boiron le jeune garçon qui touche ou aiguillonne les bœufs pendant le labourage. On dit aussi boyer, dans le même sens, et ces deux mots sont depuis longtemps des noms propres en beaucoup de provinces. — Boiron ou bouvier se dit boaro en italien.