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— Quelle impression profonde, disait-il, laisse cette solitude sans nom, au-dessus de cette forêt sans fin, où l’horizon semble toujours reculer à mesure que l’on avance, offrant le spectacle de nouveaux lacs, de nouvelles rivières que l’on découvre toujours et toujours et qui se multiplient à l’infini ; des chutes superbes qui attendent depuis des siècles que la main du progrès les atteigne pour les harnacher et en tirer tous les avantages qui en découlent. Qui dira l’avenir réservé à cette solitude d’aujourd’hui, que demain, l’activité humaine transformera en énergie électrique pour répandre la prospérité où ne règne aujourd’hui qu’un silence de mort ?


XIV


L’anxiété éprouvée par Angéline qui avait laissé des traces si profondes sur sa belle figure, fit presque renoncer Jacques à poursuivre ses recherches ; mais, ayant reçu de nouveaux renseignements, il décida de repartir le mardi suivant pour tenter un nouvel effort.

On avait rapporté que des signes lumineux avaient été remarqués du côté du Labrador, qui ne pouvaient être autres, disait-on, que des signes de détresse de la part des aviateurs perdus.

Le sort de ces pauvres aviateurs supposés égarés au fond de cette solitude, sans abri, peut-être sans nourriture et sans armes pour se défendre contre les loups qui infestaient la forêt, ne lui aurait pas laissé de repos ; et il se reprocherait, disait-il, toute sa vie de n’avoir pas tenté un dernier effort pour les secourir.

— Je préfère encore mourir à l’effort, que de laisser mourir sans secours deux êtres qui ont risqué leur vie pour l’humanité ! répondait Jacques à ceux qui lui représentaient la témérité de son entreprise.

Que répondre devant une telle bravoure qui méprise la mort pour soi-même, afin de sauver les autres ?