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petites distractions pendant que j’essayais pourtant de prier avec attention. Dans mes distractions, dont je n’ose m’excuser, je vous voyais entrer dans la chapelle, revêtue de votre costume de couvent et aussi belle que le matin que je vous ai quittée ; mais peut-être un peu moins raisonnable, car les épreuves n’étaient pas encore venues mûrir votre caractère.

Je m’étonne moins à présent du bon souvenir que vous avez gardé de votre excellente Mère Supérieure, car je l’ai trouvée tout à fait charmante. Elle s’est tout de même permis une petite pointe de taquinerie à mon égard, me disant, tout en badinant, heureusement, que vous pourriez bien encore m’échapper, car j’ai, disait-elle, les premiers droits sur Angéline.

— J’ai « un tiens », lui dis-je, et un tiens vaut mieux que deux tu l’auras !

— Je l’avoue, dit-elle ; mais, tenez, je suis un peu psychologue et prophète à mes heures, et vous ne vous scandaliserez pas si je vous dis que je vois en vous un Oblat de Marie-Immaculée et, dans Angéline, une Sœur de Charité.

— En effet, il y avait bien une soutane en perspective chez moi ; mais je l’ai laissée à la guerre, lui répondis-je.

— Oui, mais si beaucoup de soutanes ont jonché le sol de France, la semence sera féconde, et la vôtre pourrait bien repousser.

— L’avenir est à Dieu, lui ai-je répondu, et j’espère être de retour à la Rivière-au-Tonnerre à temps pour vous donner tort.

— « L’homme s’agite et Dieu le mène ! » me dit-elle d’un ton prophétique, mais, ajouta-t-elle en riant, si vous venez me voir avec Madame Vigneau, vous serez encore les bienvenus.

Son esprit m’a charmé, mais son air pénétrant m’a laissé tout de même un peu troublé. J’ai promis d’aller la voir avant de retourner sur la Côte pour lui donner de vos nouvelles en attendant que vous lui écriviez vous-même.