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Quand il fut à portée de carabine, il se coucha dans l’herbe sauvage qu’il ramena avec précaution au-dessus de sa tête afin de se camoufler parfaitement, et il attendit le jour.

Au lever du soleil, il vit un des bandits sortir de sa tente, puis scruter l’horizon avec sa lunette, la promenant en tous sens et prêtant attentivement l’oreille pour savoir si rien ne pouvait troubler leur quiétude ; puis il alla s’asseoir près du feu que l’autre bandit, qui était sorti à son tour, était à raviver. Tous deux tenaient leur carabine d’une main pendant qu’ils vaquaient aux soins du déjeuner.

Mon grand-père qui avait l’estomac rendu dans les talons, huma de loin la bouillotte, mais ne bougea pas.

Quand leur déjeuner fut prêt, les deux bandits s’assirent dos à dos, tenant leur carabine sur leurs genoux, mangeant une bouchée et se retournant pour épier tout mouvement douteux.

Mon grand-père n’avait jamais manqué un coup de fusil ; mais il n’avait jamais tiré sur du gibier humain. Le cœur faillit lui manquer quand, pressant la détente de sa carabine, le premier bandit qui lui faisait face tomba à la renverse. Prompt comme l’éclair, l’autre bandit s’était retourné de son côté pour faire feu, mais il l’abattit à son tour avant qu’il put faire un seul mouvement et l’envoya rejoindre son compagnon dans le pays des bandits éternels. Il s’approcha d’eux avec la plus grande précaution et constata que le premier avait été atteint au cerveau et le second au cœur. Il s’agenouilla et récita une prière pour le repos de leur âme, puis les enterra. Il planta leurs carabines en forme de croix et, avec son couteau, grava sur la crosse :


Ci-Gisent
Deux Bandits !
R. I. P.


Le soir du même jour, mon grand-père rentrait au camp du baron de la Grange avec les chevaux et toutes les provisions.