— Le dernier lunatique, qui était mon cuisinier par surcroît, a été gelé à mort le jour de mon départ ; c’est pourquoi je suis parti.
— Vous deviez être en pleine lune pour qu’il fasse si froid, capitaine ?
— La lune chez elle ne fait pas de quartiers.
— J’vovons bian ça, puisqu’elle gèle ses habitants ? Y a-t-il longtemps que vous avez quitté la lune ?
— Je ne sais, le calendrier n’a pas encore été inventé chez notre voisine.
— Attrape, Archélas, dit un villageois qui se tordait de rire aux réponses du capitaine.
— Si vous étiez un pauvre homme comme nous, capitaine, j’vous donnerions cinquante sous pour le savoir ; mais un homme comme vous on achète pas ça pour si peu.
— Écoute, Archélas, lui dit le capitaine en riant : Es-tu bon rameur ?
— Regardez, dit-il d’un air fier, en montrant ses biceps au capitaine.
— Très bien, comme tu es un bon garçon et que tu aimes à tout savoir, tu vas me conduire à la Rivière-Saint-Jean en barque où j’ai laissé mon aéroplane, et je te ramènerai par les airs.
— Brave capitaine, ce n’est pas surprenant qu’on vous aime ! Archélas Meunier ! le petit Archélas ! comme sa mère m’appelait, qui va monter en aéroplane !
— Je vais d’abord t’expliquer comment je suis ici. J’avais appris par Mademoiselle Guillou, qu’un concert serait donné à la Rivière-au-Tonnerre, le lundi de Pâques ; mon aéroplane neuf, que tu verras à la Rivière-Saint-Jean, me fut livré le matin de ce jour-là. Quoi de mieux à faire, me dis-je, que de me rendre à la Rivière-au-Tonnerre ? Et je suis parti comme ça, sans tambour ni trompette, et me voilà !
— Venez-vous encore pour les marsouins ? questionna Archélas, enhardi par les confidences du capitaine.
— Je te le dirai plus tard, si tu sais bien garder le secret que je viens de te confier, car je me suis déguisé en