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Page:Lallier - Angéline Guillou, 1930.djvu/168

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et jetai la partie qui a été trouvée à l’eau. Quand je vins pour prendre mon vol vers la Rivière-au-Tonnerre, je m’aperçus que j’avais perdu ma boussole.

— La boussole a aussi été retrouvée, interrompit Mère Saint-Vincent-de-Paul. Je vous raconterai plus tard aussi comment elle est restée en possession de Monsieur le Curé.

— Comment faire pour m’orienter, dans un brouillard qui recouvrait la forêt comme un épais rideau ? Étant en retard d’une journée et craignant de vous causer de l’inquiétude….

— Pardon, dit Mère Saint-Vincent-de-Paul, en portant son mouchoir à ses yeux ; mais continuez, et oubliez que le cœur d’Angéline Guillou bat encore sous la livrée de la Sœur de Charité.

Un long silence suivit cette interruption, puis Jacques continua :

— Je partis à tout hasard, me disant que mon instinct me guiderait. Je m’élevai très haut dans les airs au point de ressentir les morsures du froid contre lequel je ne m’étais pas prémuni. Je planai à l’aventure tout en surveillant mon réservoir à essence qui baissait rapidement. Soudain, le nuage se dissipa et je pus tranquillement m’approcher de la terre, cherchant une nappe d’eau propice à l’amerrissage. Une petite mer s’ouvrait devant moi m’invitant à m’y laisser glisser. Je vis par le soleil couchant, après avoir consulté ma montre, que je m’étais passablement écarté de ma route ; mais où étais-je ? Dieu le sait ! La baie était à l’abri du vent et, comme le soir tombait, je cherchai un abri sur terre pour y passer la nuit et me réconforter, car je n’avais pas mangé depuis le soir précédent. J’allumai un feu pour me réchauffer, et me mis en train d’apprêter une perdrix que j’avais tuée la veille à la chute. Je goûtai à l’eau et constatai qu’elle était salée ; alors j’y plongeai mes pommes de terre que je mis sur le feu.

J’entendais bien le bruissement des branches à travers le crépitement de mon feu, mais je mis cela au compte du vent. Tout à coup, je me vis entouré d’une bande de