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Page:Lallier - Le spectre menaçant, roman canadien, c1932.djvu/118

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comme toutes les jeunes filles, elle retournait heureuse à la maison paternelle.

« The Mansion », la belle résidence des Drassel, dressait ses deux élégantes tours dans les flancs du rocher escarpé qui borde le Saguenay, à quelque distance de Chicoutimi. Le personnel de la maison était débordant d’activité ce soir du 28 juin où l’on attendait le retour d’Agathe. Contrairement à ses habitudes, Monsieur Drassel commandait nerveusement aux serviteurs. Doué d’un tempérament froid, il donnait l’aspect d’un homme d’une sévérité extrême à l’usine. À la maison il était le plus débonnaire des hommes : bon papa, bon époux.

La maîtresse de la maison, quoique hautaine de sa nature, subissait l’influence de son mari. Elle semblait oublier et faire oublier aux autres l’immensité de leur fortune. Un peu fermés tous les deux, ils recevaient très peu de visiteurs. Madame Drassel se prêtait bien une fois ou deux par année à des réunions mondaines où elle ne manquait pas de briller par sa beauté qui semblait éternelle. À quarante ans, elle n’avait pas encore eu recours à cette « beauté empruntée » qui « répare des ans l’irréparable outrage ». Le calme du foyer lui avait été, de ce côté, salutaire.

Tous les serviteurs étaient sur pied en attendant l’arrivée d’Agathe : la bonne Agathe, comme l’avaient surnommée ses compagnes de pensionnat. « The Mansion » était éclairée à giorno. Le