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Agathe n’en continua pas moins sa toilette, puis résolut d’aller humer l’air vivifiant du matin.

— Personne ne me verra, se dit-elle. Je vais aller faire une courte promenade. Je rentrerai avant l’éveil des serviteurs et nul ne saura que je suis sortie.

En un clin d’œil elle fut sur la pelouse, palpant les fleurs, humant leur parfum. Sans s’en rendre compte elle atteignit la grille. Péniblement, Agathe ouvrit la lourde porte de fer forgé et se trouva bientôt sur la grande route. À pas précipités elle prit la direction des usines qu’elle atteignit en quelques minutes, puis s’arrêta soudain pour contempler la nappe d’eau formée par le barrage. Seul, le vol d’une hirondelle qui de temps en temps venait frapper de son aile l’eau limpide du lac artificiel, ridait légèrement sa surface plane.

Cette grande nature encore quasi-sauvage, qui enivre même ceux qui en sont coutumiers, fascinait de plus en plus la jeune fille. Elle marchait, marchait, sans trop penser où elle allait, oubliant même que, l’heure filant, son absence éveillerait des inquiétudes à son égard. En suivant la berge escarpée qui domine le lac artificiel, la matinale promeneuse fut vivement tentée de se jeter à l’eau, tant celle-ci était invitante.

— Si je me baignais les pieds ? se dit-elle.

De la pensée elle passa à l’acte. Elle descendit la berge, s’accrochant aux pierres et aux petits sapins rabougris qui l’ornent de leur chétive