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apparence. Elle s’assit sur une pierre, enleva ses chaussures et se mit à barboter dans l’eau, s’amusant à regarder sur l’onde les petits îlots crêpés, produits par les mouvements précipités de ses pieds. Tout à coup elle sentit glisser la pierre sur laquelle elle était assise. En vain essaya-t-elle de s’accrocher à quelque chose pour s’empêcher de tomber à l’eau ; la lourdeur de la pierre l’entraîna avec elle. Elle lâcha un cri de détresse, mais l’onde perfide eût tôt fait de l’engloutir.

À quelque cent verges de là, passait André, qui avait pris pour habitude, même avant le départ de son patron, d’aller faire une tournée matinale d’inspection jusqu’à la prise des billots. Il voulait se rendre compte par lui-même de l’état des choses, afin de pouvoir discuter en connaissance de cause avec les contremaîtres de l’usine, toute question qui se poserait.

Ayant entendu les cris d’une personne en détresse, il se précipita vers l’endroit où la voix avait été entendue. Stupéfait, il ne vit rien que l’eau agitée et bouillonnante, indiquant assez sûrement qu’une personne y était tombée. En un instant ses habits furent enlevés, et il attendit la première émersion du noyé probable. Son attente ne fut pas longue. La belle tête blonde d’Agathe émergea soudain de l’eau. Sa figure était empreinte du désespoir qui s’était emparé d’elle à ce moment tragique. D’un bond il plongea à sa rescousse et la ramena inconsciente sur la