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Puis continuant avec enthousiasme : Je vois déjà lever la prochaine moisson, grandir la tige de blé, l’épi blondir, puis se dorer enfin pour la récolte. Nous nous attaquerons d’abord à ce taillis, dit-il, pointant vers une pièce voisine. Si j’en juge par les « repoussis », la terre doit être excellente, puis s’adressant particulièrement à ses fils : Nous irons voir ça demain.

— Quel enthousiasme ! lui répondit son épouse. Je crois, en effet, que tu es rajeuni et cela me donne du courage ! J’espère vivre assez longtemps pour que tous tes rêves se réalisent avec les miens. Alors verrons-nous, de nouveau, le bonheur régner au foyer.

Un second nuage sombre passa sur la figure du père, montrant de nouveau la blessure profonde de son cœur. Il sentait bien aussi la cause de la douleur et de la tristesse de sa compagne, dues peut-être un peu à l’apparente dureté de son cœur à l’égard de son fils ; aussi reprit-il d’un ton adouci :

— Ah ! le bonheur ! Plus l’on court après, plus il s’éloigne ! Je croyais pouvoir oublier en m’éloignant, mais la même torture me poursuit, le même ver me ronge. Ça ne valait certainement pas la peine de fuir si loin !

— C’est dans le pardon que tu trouveras la paix, Pierre. T’enfoncerais-tu à trois cents milles dans les bois, tu n’auras pas la paix si tu ne mets pas le « Notre-Père » en pratique.