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obscène et quelquefois un objet d’art. Si on n’était point averti, on le prendrait pour une borne presque cylindrique, c’est-à-dire un peu plus large à la base qu’au sommet, laquelle se termine par une calotte sphérique fort aplatie et ne présentant aucune saillie sur le fût. Celui que j’ai rapporté de l’Inde avait une hauteur d’un mètre, un diamètre moyen de 0,25 m à 0,30 m et reposait sur une base également en granit d’un mètre et demi de côté, dans laquelle était creusée au pied du fût une sorte de rainure circulaire représentant le pli du yoni (partie sexuelle de la femme) figuré par la base, ainsi que cela a lieu généralement.

Ainsi, même aujourd’hui, après trente siècles peut-être, le linga et l’yoni ne sont point des images qui parlent aux sens, ce sont des corps géométriques servant de symboles, des fétiches.

Comme il ne s’est trouvé aucune trace de fétichisme chez les Ariahs de l’époque védique, ni aucun autre fétiche dans le culte brahmanique postérieur, il faut penser que le linga est le fétiche probablement très ancien d’une race assujettie, peut-être les Day-Sousnoirs, et que les Brahmes, pour s’attacher cette race, adoptèrent Siva et le linga, en confondant à dessein Siva avec Roudra, le dieu védique qui s’en rapprochait le plus par ses attributs : Siva était sans doute le dieu national d’une partie notable de l’Inde avant la conquête Aryenne ; car, dès le commencement, il a reçu la qualification dissoudra, l’être suprême.

Le linga n’avait point pénétré dans la religion védique, où il n’y a point de culte du phallus. Stevenson et Lassen lui attribuent, avec beaucoup de preuves à l’appui de leur opinion, une origine dravidienne (la langue dravidienne, aujourd’hui le tamoul, est en usage dans tout le sud de la péninsule).

Le linga apparaît dans la religion des Brahmes en même temps que le Sivaïsme, et celui-ci s’y montre immédiatement après la période des hymnes ; quelques morceaux du yagur-véda (véda du cérémonial) supposent un état déjà avancé de la religion sivaïste.

Le temple d’Issouara (Siva, être suprême) à Benarès paraît avoir été très ancien ; il était dans toute sa splendeur lors de la visite du pélerin chinois Fa-Hien.