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 Quand la fortune s’offre d’elle-même,
La foule-t-on aux pieds, dis-moi, Kunala.
Satisfais-moi sur ce lit
Et caresse mon, sein plein d’amour.
Je languis et me meurs, Kunala,
Pas de colère, contre moi, je t’en conjure.
Ne commets pas un crime par tes refus ;
J’attends sûrement tout de loi, Kunala.

La Reine ; devenait irrésistible, Kunala se dégagea soudain par un effort ; Tachya Rachita lui dit :

Prince, tu oses me fuir ! as-tu perdu la raison ? Je me complaisais dans l’espoir de te voir reposer en mes bras sur mon sein ; si tu fuis en repoussant mes instances, tu n’échapperas pas à la vengeance des amantes offensées. Voici que je te poursuis et te saisis sans craindre le mal que tu peux me faire.

Kunala. Je suis sous le coup du plus grand des cinq grands crimes (Loi de Manou), Perfide, renonçant à toute pudeur, tu veux me forcer à commettre un forfait inouï ! Je m’arrache à ton étreinte et je m’enfuis.

Tichya. Tu pars et tu t’imagines que tout est fini. Je te jure que je te ferai arracher ces yeux ton orgueil, ou je perdrai mon nom et mon corps cessera de m’appartenir.

Kunala. Je suis tout prêt à perdre ces biens périssables : ta vengeance ne fera que me fortifier dans le mépris des choses sujettes au changement.

Depuis ce moment Tichya Rachita ne songea plus qu’aux moyens de perdre Kunala.

Peu après, la ville de Takahacita se révolta et le roi désigna Kunala pour la soumettre. Ayant fait orner la ville et la route et éloigner les vieillards, les malades et les indigents[1], il monta dans un char avec son fils. Au moment de le quitter, il lui jeta les bras au cou et contemplant ses yeux, il lui dit : Heureux les mortels qui

  1. On voit qu’Açoka, ou au moins l’auteur de cette légende, avait conservé les préjugés brahmaniques sur les personnes dont la vue ou la rencontre porte malheur.