Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/17

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Alors vous verrez que, dans les animaux les plus imparfaits, comme les polypes, et dans les végétaux les moins parfaits, comme les algues et les champignons, il n’existe nulle trace de vaisseaux quelconques ; enfin, vous reconnoîtrez que l’organisation très-simple de ces corps vivans n’offre qu’un tissu cellulaire dans lequel les fluides qui le vivifient se meuvent avec lenteur ; et que ces corps dépourvus d’organes spéciaux, ne se développent, ne s’accroissent, et ne se multiplient ou ne se régénèrent que par une faculté d’extension et de séparation de parties réproductives qu’ils possèdent dans un degré très-éminent.

Ayant mis en opposition l’intérêt des moyens qui ont été imaginés pour nous assurer la jouissance des productions de la nature, avec cet intérêt philosophique qu’inspirent les connoissances que nous pouvons acquérir sur la nature elle-même, je crois que vous êtes maintenant convaincus que le principal objet que le naturaliste doit avoir en vue dans ses travaux, c’est de connoître tout ce que la nature offre de toutes parts à nos observations ; de se former une juste idée de sa marche et des loix qui la constituent ; de pénétrer ses moyens et ses mystères ; enfin, de découvrir comment elle a pu donner l’existence à ses productions, et comment elle parvient sans cesse à les renouveler.

Et quant à la voie qu’il importe le plus au naturaliste de suivre pour atteindre ce but, vous êtes sans doute persuadés maintenant qu’elle consiste à donner plus d’attention à la méthode naturelle, à l’étude des rapports entre les objets, et à la connoissance de tous les phénomènes de l’organisation, qu’à la détermination et à la dénomination des genres et des espèces.

En effet, dans l’étude des corps naturels qui possèdent la vie, croyez que ce qu’il y a de plus important pour vous à considérer, c’est l’organisation même de ces corps ; ce sont tous les phénomènes qui tiennent aux développemens et à la réproduction des corps vivans dont il s’agit ; ce sont les effets des influences que ces corps reçoivent des circonstances dans lesquelles ils se trouvent, des lieux et des climats où ils vivent ; ce sont encore les effets des influences que leurs organes particuliers reçoivent d’un usage fortement augmenté ou diminué dans les individus et dans leur race ; enfin, dans les animaux, ce sont les suites de leurs habitudes, de leur manière de vivre que vous devez principalement étudier, en comparant toujours les rapports qui se trouvent entre ces habitudes et la conformation des individus qui y sont assujettis.