Page:Lamarck - Discours (1806).djvu/28

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Quantité d’observations que je ne puis exposer ici, attestent le fondement de cette loi de la nature, que vous aurez occasion de vérifier vous-mêmes avec le temps. Je reviens à mon sujet.

En suivant attentivement l’ordre naturel des animaux, et considérant les différens systêmes d’organisation de ces corps depuis le plus composé jusqu’au plus simple, on voit successivement chaque organe spécial, même les plus essentiels, se dégrader peu à peu, devenir moins particuliers, moins isolés, enfin se perdre et disparoître entièrement long-temps avant d’avoir atteint l’autre extrémité de l’ordre. Or, il convient de vous faire remarquer que c’est principalement dans les animaux sans vertèbres qu’on voit s’anéantir la plupart des organes spéciaux.

À la vérité, même avant de sortir de la première division du règne animal, on apperçoit de grands changemens dans le perfectionnement des organes, et la disparition totale de quelques-uns d’entr’eux, comme la vessie urinaire, l’organe de la voix, les paupières, &c. ainsi, les poumons, l’organe le plus perfectionné pour la respiration, commence à se dégrader dans les reptiles, et est entièrement disparu dans les poissons où il est remplacé par des branchies ; et le squelette, dont les dépendances fournissent la base des quatre extrémités que la plupart des animaux à vertèbres possèdent, commence à se détériorer principalement dans les reptiles, et finit entièrement avec les poissons. Mais c’est dans la division des animaux sans vertèbres qu’on voit s’anéantir le cœur, le cerveau, les branchies, les glandes conglomérées, les vaisseaux propres à la circulation, l’organe de l’ouïe, celui de la vue, ceux de la génération sexuelle, ceux même du sentiment, ainsi que ceux du mouvement.

Je vous l’ai déjà dit, ce seroit en vain que vous chercheriez dans un polype, comme dans une hydre ou dans tout autre de cette classe, les moindres vestiges soit des nerfs (organes du sentiment), soit des muscles (organes du mouvement) : l’irritabilité seule dont tout polype est doué à un degré fort éminent paroît remplacer en lui, et la faculté de sentir, qu’il ne peut posséder puisqu’il n’en a pas l’organe essentiel, et la faculté de se mouvoir volontairement, puisque toute volonté est un acte de l’organe de l’intelligence et que cet animal est absolument dépourvu d’un pareil organe. Tous ses mouvemens sont des résultats nécessaires d’impressions reçues, et s’exécutent généralement sans possibilité de choix.