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L’œuvre politique de Nominoë, si hardiment commencée, fut arrêtée par les invasions des Normands, qui firent de la Bretagne un bûcher, suivant l’expression de saint Gildas. L’effroi fut tel que les habitants fuyaient de toutes parts, emportant avec eux les reliques de leurs saints patrons. Celles de saint Brieuc trouvèrent un asile dans l’Anjou. Elles y furent portées, suivant le rentier du chapitre, par un Breton qualifié du titre de roi, rex Britannorum, et nommé Hillispodius, dans lequel on a reconnu Erispoë, le brave et malheureux fils de Nominoë. Erispoë, en effet, ayant fait la paix avec Charles le Chauve, avait gardé les conquêtes de son père jusqu’à la rivière de Maine et, même au-delà, l’abbaye de Saint-Serge, où il aimait à résider. Dom Fournereau, religieux de Saint-Serge, dans une chronique latine récemment publiée, raconte aussi comment ce couvent, après avoir été ruiné de fond en comble par les Normands, fut relevé en partie par Erispoë, qui l’enrichit du corps du bienheureux pontife Brieuc et en fit sa chapelle.[1].

Jamais, au dire des chroniqueurs, il n’y eut une dévastation pareille à celle du ixe siècle, et du commencement du xe, aussi bien sur les côtes de France que sur celles de Bretagne. L’établissement de Rollon et de ses Normands en Neustrie rassura la France au xe siècle ; mais il n’en fut pas de même en Bretagne, car cette province eut encore à lutter contre ces mêmes Normands neustriens. C’est sur eux qu’Alain Barbe-Torte, de retour d’Angleterre, gagna, vers 937, près de Saint-Brieuc des Vaulx[2], une victoire qui fut le prélude d’autres glorieux combats.

  1. « Monasterium, circa annum 8S0, à Normannis funditus deletum est et monachis sacrisque reliquiis spoliatum ; sed paulo post ab Hæruspeo seu Hillispodio, Britonum rege, non nihil restitutum et sacro pignore corporis B. Brioci pontificis ditatum, in suam capellam fuit adoptatum. » (Sociétés savantes des départements. Revue, 5e série, t. ii. — 1871).
  2. « Audiens quod, apud sanctum Briocum, alia habebatur turma, navigavit illuc et quoscunque invenit Normanos gladio interfecit. » (Chronicon Briocense, dans l’histoire de dom Morice).
    « Et arrivèrent près de la cité de Doul où ils trouvèrent iceulx Normans, esqueulx y feurent desconfiz et occiz. De là marchèrent avecq leur armée vers Sainct-Brieuc-de-Vaulx, auquel lieu en occidrent et tuèrent une grande partye. » (Extrait de la Chronique de Bretagne, par Jehan de Saint-Paul, chambellan du duc François II, publiée, avec notes, par M. de La Bordefie, 1881).