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PRÉFACE

Un jour que j’accompagnais mon père à la chasse, la voix des chiens égarés nous conduisit sur le revers d’une montagne boisée, dont les pentes, entrecoupées de châtaigniers et de petits prés, sont semées de quelques chaumières et de deux ou trois maisonnettes blanchies à la chaux, un peu plus riches que les masures de paysans, et entourées chacune d’un verger, d’un jardin, d’une haie vive, d’une cour rustique. Mon père ayant retrouvé les chiens et les ayant remis en laisse avec leur collier de grelots, cherchait de l’œil un sentier qui menait à une de ces maisons, pour m’y faire déjeuner et reposer un moment, car nous avions marché depuis l’aube du jour.

Cette maison était habitée par un de ses amis, vieil officier des armées du roi, retiré du service, et finissant ses jours dans ces montagnes natales, entre une servante et un chien. C’était une belle journée d’automne. Les rayons du soleil du matin, dorant de teintes bronzées les châtaigniers et de teintes pourpres les flèches de deux ou trois jeunes peupliers, venaient se réverbérer sur le mur blanc de la petite maison, et entraient avec la brise chaude par une petite fenêtre ouverte encadrée de lierre, comme pour l’inonder de lumière, de gaieté et de parfum. Des pigeons roucoulaient sur le mur d’appui d’une étroite terrasse, d’où la source domestique tombait dans le verger par un conduit de bois creux, comme dans les villages suisses.

Nous appuyâmes le pouce sur le loquet, nous traversâmes la cour ; le chien aboya sans colère, et vint me lécher les mains en battant l’air de sa queue, signe d’hospitalité pour les enfants. La vieille servante me mena à la cuisine pour me couper une tranche de pain bis, puis au verger pour me cueillir des pêches de vigne. Mon père