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MÉDITATIONS.

Jaillissent par milliers de l’ombre qui s’enfuit,
Comme une poudre d’or sur les pas de la nuit ;
Et le souffle du soir qui vole sur sa trace
Les sème en tourbillons dans le brillant espace.
L’œil ébloui les cherche et les perd à la fois :
Les uns semblent planer sur les cimes des bois,
Tels qu’un céleste oiseau dont les rapides ailes
Font jaillir, en s’ouvrant, des gerbes d’étincelles.
D’autres en flots brillants s’étendent dans les airs,
Comme un rocher blanchi de l’écume des mers ;
Ceux-là, comme un coursier volant dans la carrière,
Déroulent à longs plis leur flottante crinière ;
Ceux-ci, sur l’horizon se penchant à demi,
Semblent des yeux ouverts sur le monde endormi ;
Tandis qu’aux bords du ciel de légères étoiles
Voguent dans cet azur comme de blanches voiles
Qui, revenant au port d’un rivage lointain,
Brillent sur l’Océan aux rayons du matin.
De ces astres de feu, son plus sublime ouvrage,
Dieu seul connaît le nombre, et la distance, et l’âge :
Les uns, déjà vieillis, pâlissent à nos yeux ;
D’autres se sont perdus dans les routes des cieux ;
D’autres, comme des fleurs que son souffle caresse,
Lèvent un front riant de grâce et de jeunesse,
Et, charmant l’orient de leurs fraîches clartés,
Étonnent tout à coup l’œil qui les a comptés.
Dans l’espace aussitôt ils s’élancent… et l’homme,
Ainsi qu’un nouveau-né, les salue et les nomme.
Quel mortel enivré de leur chaste regard,
Laissant ses yeux errants les fixer au hasard,
Et cherchant le plus pur parmi ce chœur suprême,
Ne l’a pas consacré du nom de ce qu’il aime ?
Moi-même… il en est un, solitaire, isolé,
Qui dans mes longues nuits m’a souvent consolé,