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POÉTIQUES.

Ou briller sur le front de la beauté suprême,
Comme un pâle fleuron de son saint diadème !

Dans le limpide azur de ces flots de cristal,
Me souvenant encor de mon globe natal,
Je viendrais chaque nuit, tardif et solitaire,
Sur les monts que j’aimais briller près de la terre ;
J’aimerais à glisser sous la nuit des rameaux,
À dormir sur les prés, à flotter sur les eaux,
À percer doucement le voile d’un nuage,
Comme un regard d’amour que la pudeur ombrage.
Je visiterais l’homme ; et s’il est ici-bas
Un front pensif, des yeux qui ne se ferment pas,
Une âme en deuil, un cœur qu’un poids sublime oppresse,
Répandant devant Dieu sa pieuse tristesse ;
Un malheureux au jour dérobant ses douleurs,
Et dans le sein des nuits laissant couler ses pleurs ;
Un génie inquiet, une active pensée
Par un instinct trop fort dans l’infini lancée ;
Mon rayon, pénétré d’une sainte amitié,
Pour des maux trop connus prodiguant sa pitié,
Comme un secret d’amour versé dans un cœur tendre,
Sur ces fronts inclinés se plairait à descendre.
Ma lueur fraternelle en découlant sur eux
Dormirait sur leur sein, sourirait à leurs yeux :
Je leur révélerais dans la langue divine
Un mot du grand secret que le malheur devine ;
Je sécherais leurs pleurs, et quand l’œil du matin
Ferait pâlir mon disque à l’horizon lointain,
Mon rayon, en quittant leur paupière attendrie,
Leur laisserait encor la vague rêverie,
Et la paix et l’espoir ; et, lassés de gémir,
Au moins avant l’aurore ils pourraient s’endormir !