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barqua comme volontaire à bord de la flotte commandée par le comte d’Orvilliers, et se trouva au combat d’Ouessant le 27 juillet 1778. Les suites de ce combat, où la victoire resta sans résultat par une fausse manœuvre, furent imputées à la faiblesse du duc d’Orléans, qui aurait arrêté la poursuite de l’ennemi. Ces bruits déshonorants, inventés et semés par la haine de la cour, aigrirent les ressentiments du jeune prince, mais ne purent voiler l’éclat de sa valeur. Il en prodigua les preuves jusqu’à des caprices de courage indignes de son rang. Il s’élança, à Saint-Cloud, dans le premier ballon qui emporta des navigateurs aériens dans l’espace. La calomnie le poursuivit jusque-là : on répandit le bruit qu’il avait crevé le ballon d’un coup d’épée pour forcer ses compagnons à redescendre. Il s’établit entre la cour et lui une lutte incessante d’audace d’un côté, de dénigrement de l’autre. Le roi le traitait néanmoins avec l’indulgence de la vertu pour les légèretés de la jeunesse. Le comte d’Artois le prenait pour compagnon assidu de ses plaisirs. La reine, qui aimait le comte d’Artois, craignait pour son beau-frère la contagion des désordres et des amours du duc d’Orléans. Elle redoutait à la fois dans ce jeune prince le favori du peuple de Paris et le corrupteur du comte d’Artois. Elle fit acheter au roi le château presque royal de Saint-Cloud, séjour préféré du duc d’Orléans. D’infâmes insinuations contre ses mœurs transpiraient sans cesse des demi-confidences des courtisans. On l’accusa d’avoir fait empoisonner par des courtisanes le sang du prince de Lamballe, son beau-frère, et de l’avoir énervé de débauches pour hériter seul de l’immense apanage de la maison de Penthièvre. Ce crime n’était que le crime de la haine qui l’inventait.